Pourquoi la marque employeur est devenue cruciale et ne concerne pas que les grands Groupes ?
Etude de cas : Lou Yetu

Ce qu'il se passe en entreprise, ne reste pas en entreprise. Cela n'a jamais été aussi vrai. Si l'intérêt de la marque employeur prend de plus en plus de place en entreprise ces dernières années, elle reste parfois encore bien trop sous-estimée. Pourtant, elle est fondamentale. A l'épreuve du management à distance, de la gestion de crise sanitaire… Beaucoup de collaborateurs appréhendent le monde du travail différemment… Et délient leur langue.
Vous n'avez probablement pas pu passer à côté : les comptes Instagram, dédiés à la dénonciation de comportements inappropriés en entreprise, fleurissent. Balance ton agency, balance ton stage, balance ta start-up… Tous partagent un objectif commun : dénoncer les comportements abusifs. Et leur portée est impressionnante ! Après le cas d'école du Slip Français et de la distinction (ou non) entre vie privée et image d'entreprise, c'est Balance ta Start-Up qui a particulièrement fait le buzz ces derniers jours en s'attaquant au mastodonte Lou Yetu.

Avant de commencer, un petit disclaimer. L'idée de cet article n'est pas de faire de la dénonciation de cette marque. Ce que j'en pense, à titre personnel, n'a pas sa place ici. Mais ce cas d'école est un précieux moyen pour moi de rappeler l'intérêt indéniable d'une marque employeur.
Construire son story-telling 💌
Non, le storytelling n'est pas qu'un "bullshit de communicant" (comme j'ai été amenée à l'entendre) que l'on pourrait transposer à n'importe quelle entreprise. Si l'image de marque est travaillée, elle peut se révéler être un puissant outil de développement commercial et de fidélisation client.
"C’est une page blanche, il y a tout à faire, et je suis seule. J’embarque dans mon projet les ateliers et fournisseurs qui nous suivent encore aujourd’hui. A l’époque, j’ai 25 ans, et je veux faire vivre l’artisanat français. Ils me prennent sous leur aile, m’accordent leur confiance et m’accompagnent dans ce projet fou."
Lorsqu'on parcourt les pages de Lou Yetu, le storytelling est alléchant. Le discours est bien construit, la success-story d'une jeune femme qui souhaite valoriser l'artisanat français. Une thématique que l'on retrouve au cœur de nombreuses publications et qui est même valorisé dans certains grands magasines de mode, type Grazia.

Il faut dire que le Made In France fait vendre : d'après le site du Gouvernement, trois quarts des français seraient prêts à payer plus cher si le produit en question est Made In France, et 95% de la population souhaiterait soutenir l'industrie nationale. Seulement voilà. Si Instagram a fait le succès de la marque, c'est aussi Instagram qui en dévoile les coulisses :
" Tout est fabriqué en Chine et en Thaïlande et OUI elle achète bien chez ses fournisseurs rue du temple. La production home made est extrêmement minime, les conditions de travail en atelier ne sont pas aux normes [...]. Elle stipule une production 100% française mais les bijoux viennent d'Asie pour la plupart (made in France annoncé car il y a juste un fermoir rajouté sur une chaîne...! "
Prenons un peu de hauteur. Penser que Lou Yetu est le seul distributeur de bijoux à passer par des fournisseurs Made In China est totalement illusoire. Savoir que le produit est Made In China ne le rend pas tout à coup laid. Le problème, c'est que leur success-story repose sur un storytelling falsifié... Et que les consommateurs ont ainsi le sentiment d'avoir été dupés.
Cela est d'autant plus vrai que ce discours est régulièrement prôné sur le compte Instagram de l'entreprise... Et donc sur LA plateforme où les utilisateurs sont en quête d'authenticité. Toutes les études le disent, la tendance est à la proximité et à l'authenticité des marques. Une recherche d'autant plus vraie post (pendant ?) Covid qui replace la quête de sens au cœur des préoccupations. Il n'y a qu'à voir le succès des #Onveutduvrai, suivi par des milliers de personnes, ou des comptes Instagram type Amours Solitaires qui partagent de véritables SMS échangés et qui rentrent donc dans la (vraie) intimité des utilisateurs.
Car si toutes les marques embellissent plus ou moins leur storytelling (ah bon ?!), il est différent de le rabâcher au quotidien auprès de ses followers.
Soigner sa marque employeur : une histoire qui ne s'écrit pas qu'en externe 👥
"Depuis 2015, je fais tout pour tenir ma promesse d’offrir des bijoux qui résistent à la vie, fabriqués à Paris. Notre atelier compte maintenant 13 louves qui développent les collections de leur dessin jusqu’à la production. Au bureau, les louves aussi ont rejoint l’aventure et m’aident à faire battre votre coeur au rythme de nos actualités."
2. https://louyetu.fr/journal/la-marque-laventure/
Mais ce qui frappe, c'est aussi (surtout ?) la désillusion des conditions de travail des employés. Car si la marque séduit autant, c'est aussi parce que sa "Team de Louves" (il s'agit du surnom donné à ses collaboratrices) fait rêver. Une entreprise qui se présente comme "bienveillante", avec "des étoiles plein les yeux".


Source : https://www.welcometothejungle.com/fr/companies/lou-yetu/team
Source : https://www.jobteaser.com/fr/companies/lou-yetu
Et là encore, c'est la douche froide. Des dizaines de témoignages fusent, et tous abondent dans le même sens : les conditions sont déplorables, les collaborateurs poussés à bout...
"La médecine du travail a été alertée par 40 témoignages similaires et a seulement la possibilité d'intervenir à titre de consul. La fondatrice demande à ses employés de faire "bonne impression" lors des passages de la médecine dans les bureaux. Elle met les gens au placard, ou met une pression mentale pour pousser à la démission. Les ruptures conventionnelles sont souvent des licenciements déguisés. Des salariés en chômage partiel qui travaillent à 100%."
Ce que cet exemple nous apprend à ses dépens, c'est que la marque employeur, ce n'est pas qu'une affaire de communication externe. C'est avant tout créer un lien cohérent entre l'interne et l'externe, mettre en lumière la culture d'entreprise.
S'imaginer que cela peut fonction dans l'autre sens, c'est à dire construire un discours décorrélé de la réalité (et donc purement marketing) et tenter de le faire adhérer en interne ensuite, c'est foncer droit dans un mur de dénonciation. Il ne s'agit pas de se demander les valeurs que l'on souhaite véhiculer, mais celles que l'on incarne au quotidien. Il ne s'agit pas de se questionner sur les savoir-faire qui font vendre, mais sur ceux qui font notre force. Il ne s'agit pas de faire réciter un discours à nos collaborateurs, mais de leur laisser la parole.
Chères entreprises, ne considérez pas que la marque employeur comme la cerise sur le gâteau une fois que votre marque est développée. La marque employeur, c'est un travail de tous les instants. Et elle commence dès les premiers jours... Au risque de vous faire rattraper par la réalité !